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Inde

 L'Inde est un pays charmant, à commencer par les paysage. A part le Nord, ou l'approche de l'Himalaya, sur des centaines de kilomètres, bouleverse les yeux, le reste nous paraît monotone: un grand plateau virant de l'ocre au vert, des collines arrondies, quelques rochers gris dans le sud.


  L'amour de l'Inde est difficile. Il peut être anéanti dés le premier contact: plions bagage et repartons. Il peut se confondre avec l'exotisme et le pittoresque. 

Il exige une attitude assez étrange, faite de candeur, qui est propice à l'émerveillement, et d'un scepticisme critique qui constamment remet en question l'objet de l'amour, le dénigre, le déteste.


  Ce qui marque le plus le voyageur,c'est la présence humaine qui s'impose, et s’impose partout.

Si l'on n'aime pas les hommes, n'allons pas en Inde. La foule est ici le paysage principal, elle est l'acteur de toute chose.


  Si nous manquons de naïveté, si nous oublions de voir et d'entendre, si nous voulons à toute force expliquer et comprendre, ramener tout ce spectacle à notre logique, le comparer, l'évaluer, nous nous trouvons très rapidement égarés, déçus, voire exaspérés.


  L'Inde s'observe, elle s'analyse, mais elle ne s'explique pas.



  Selon nos méthodes d'étude, si nous mettons ensemble toutes les données concevables (territoires, populations, langues, religions, économies, modes de vie) un tel ensemble ne peut fonctionner, il est incohérent. Il recouvre tant de niveaux sociaux, tant de complexités mentales, tant de règlements publics ou secrets, tant de réalités imaginaires, tant de passé, tant d'aujourd'hui, qu'une cohésion générale relèverait d'un miracle.


  Et pourtant l’Inde existe et elle fonctionne. Le disparate indien a créé un peuple, et c’est la pluralité qui paraît en être le ciment.

C’est la dissemblance qui rassemble.


  Ce qui est remarquable dans ce pays, c'est cette impression de voyage physique dans le temps, une transportation immédiate dans les lumières, les odeurs d'une autre époque, sans âge.


  Aucun effort n'est ici demandé: il suffit de se laisser aller, de glisser dans la faille temporelle qui nous est partout entrouverte.


  L'Inde soigne la déprime, la raison en est simple; l'Inde, le spectacle de l'Inde, à un moment ou à un autre, oblige à sortir de soi. Impossible ou presque de rester bloqué, prisonnier de nos problèmes d'égotisme, d'insatisfaction, d'obsession, d'incompréhension.


  L'Inde nous sollicite, nous provoque, nous séduit, nous repousse, nous stupéfie, nous hypnotise bref elle fait tant et si bien que nous en venons à nous oublier, à effacer en nous l'individu.




    Extraits tirés du livre: Dictionnaire amoureux de l'Inde, écrit par J.C Carrière, éditions Plon.